La révolution numérique qui nous attend (2/2)

Dans un article précédent nous avons pu présenter très succinctement un outil désormais largement utilisé par les élèves du collège et du lycée même s’il n’a encore que quelques mois d’existence : ChatGPT.

ChatGPT est une nouvelle forme d’IA, il permet de rédiger des textes cohérents sur n’importe quel sujet. Nous avons vu en quoi il modifie profondément le travail à la maison et par voie de conséquence en quoi il nous invite à revoir notre architecture et stratégie pédagogiques.

En offrant des réponses prêtes à l’emploi, cohérentes, globalement correctes, l’outil contribue à réduire le questionnement des élèves.

Mais une fois ce constat établi, que faire ?

Trois pistes de solution s’offrent à nous : l’interdire, l’utiliser au profit des apprentissages, ou bien le contourner en proposant aux élèves des outils alternatifs favorisant le questionnement.

Il serait inimaginable de penser qu’un tel outil puisse être banni du lycée, des collèges ou même de l’université. D’abord parce que les élèves n’obtempéreront pas. Ensuite parce que personne n’est en mesure d’assurer un contrôle et donc un respect d’une telle interdiction. Enfin parce que le rythme des apprentissages conduit inévitablement les élèves à une forme de « productivité » à laquelle ChatGPT répond.

Utiliser l’outil à des fins d’apprentissages peut se concevoir comme complément à un travail de recherche, dans une démarche informationnelle par exemple encadrée par un enseignant. Dans ce cadre et en fonction du sujet choisi ChatGPT peut avoir un intérêt pédagogique. Il peut constituer une source supplémentaire d’information avec la réserve que l’outil n’étant plus mis à jour depuis 2021, certaines de ses informations se trouvent ipso facto désuètes. Avec l’autre réserve que nous ne savons pas comment est codé l’outil. Certes il est capable d’agréger des quantités colossales d’information, mais qui peut se porter garant de la fiabilité des réponses apportées, qui est en mesure d’assurer un contrôle académique sur les productions ?

Dans tous les cas, les enseignants en situation de classe vont « se débrouiller », comme ils le font déjà depuis de nombreuses années en s’adaptant, bon an mal an, aux nouveaux usages des élèves.

Mais alors comment les outiller efficacement dans ce monde numérique structuré par l’immédiateté, la rapidité alors que tout travail intellectuel repose sur le temps long, sur un questionnement aiguisé et sur le frottement des cervelles pour reprendre une image célèbre de Montaigne ?

A Paideia nous avons eu l’idée de repenser la temporalité de nos outils numériques en ne cédant pas à l’injonction de l’immédiateté. Ainsi, nos outils numériques sont construits pour suivre la progression de l’élève. Ils ne fournissent des réponses immédiates que si elles s’inscrivent dans une stratégie de long terme et que si elles sont revues et complétées par des enseignants. Les réponses immédiates ne sont donc pas la finalité mais une étape, un moyen. C’est comme cela que nous tentons de concilier le temps immédiat et la projection future et surtout que nous pouvons développer des contenus réellement utiles dans une pédagogie numérique, c’est-à-dire laissant le temps de l’appropriation aux élèves et permettant l’intervention de l’enseignant.

Dans tout processus d’apprentissage, le travail de recherche occupe une place essentielle. Il n’y a pas d’apprentissage sans recherche, sans questionnement. La recherche au-delà de son objectif initial de conduire vers des réponses, est en elle-même un travail. Elle est l’occasion de déployer des stratégies, de formuler puis de tester des hypothèses, de combiner diverses questions, de mettre à l’épreuve des idées, de mieux décrire le réel, etc. C’est toute cette somme qui, si elle est répétée et amplifiée, permet le développement de l’esprit critique.

Or pour être valide, la recherche au lycée ne peut être « anarchique », elle doit être structurée notamment pour permettre l’émergence de la réflexivité chez l’élève. Il doit pouvoir comprendre son chemin, avoir une idée des démarches qu’il a emprunté, et des stratégies qu’il a pu déployer et donc être critique sur son travail afin d’être en mesure d’apprendre de ses erreurs. Cette conscientisation de son travail est au cœur de l’apprentissage, c’est à partir de cela qu’il peut, en réalité, réfléchir.

Aujourd’hui lorsqu’on interroge un collégien ou un lycéen (et sans doute même des étudiants) sur ce qu’il fait lorsqu’il doit chercher une information, l’écrasante majorité répond qu’elle « demande à google », comme si la lucarne d’un moteur de recherche constituait l’Alpha et l’Omega d’un processus de recherche. Une fois la question posée ou le sujet tapé, l’élève, dans la majorité des cas, se contente des résultats proposés en première ligne par l’algorithme sans identifier la nature de l’information, sans en interroger la source. S’agit-il d’une information journalistique, d’un travail scientifique, d’une opinion, d’un contenu poussé par la publicité ? Toutes les informations se valent, le faux côtoie le vrai, et le vraisemblable prospère. Alors dans ce cadre, ChatGPT peut constituer une source intéressante, une sorte de Wikipédia intelligent parce que adapté à la question posée. Mais est-ce que cela suffit à armer nos élèves à exercer leur esprit critique dans une véritable recherche documentaire et à développer leur intelligence naturelle ? Comment les aider donc à distinguer, analyser, identifier, comparer et interpréter des résultats ? Comment faire en sorte qu’ils s’engagent dans une démarche de jugement raisonné, sans tomber dans la confiance naïve ni verser dans la défiance systématique?

Depuis deux ans, nous travaillons à Paideia à développer un tel outil avec les enseignants du lycée et plus précisément des professeurs documentalistes.

Martianus, baptisé en hommage à Martianus Capella partage la même ambition que l’auteur antique, offrir un parcours permettant de s’initier au savoir. Tout comme l’œuvre De nuptiis Philologiae et Mercurii, notre outil s’inscrit dans la tradition des débats sur l’ordre et la finalité des connaissances.

Au travers de quatre étapes structurées et d’une série de questions, l’élève initie son parcours à partir d’une question de son choix. Mais contrairement à « google » ou à « ChatGPT », la réponse n’est pas fournie par Martianus, mais par l’élève lui-même. Il construit son savoir pas à pas. Ce processus n’est pas immédiat, l’élève peut faire une pause, revenir, modifier ses réponses, et même complexifier sa recherche. L’originalité de l’outil réside dans le fait que l’enseignant suit, à partir de son espace propre, la progression de ses élèves, il peut donc les conseiller, discuter avec eux, mieux identifier les erreurs de parcours, de raisonnement, d’interprétation, de méthodes, etc. L’élève peut aussi partager son processus de questionnement avec ses pairs et engager une discussion. Martianus est certes un outil numérique, mais il est pensé pour servir le dialogue intelligent des humains et le partage de leurs idées.

Nous formulons l’ambition pour Martianus de répondre à l’éloquence vide de ceux qui n’ont plus rien à penser, car laisser faire la paresse c’est s’embourber dans la négation de notre humanité.

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