Lorsqu’on parle de pédagogie, il est question de faciliter des apprentissages, de créer des situations propices pour des groupes souvent qualifiés de “classes” ou d’”apprenant·e·s”. Mais derrière ces termes pluriels se cachent des individualités uniques, avec leurs rythmes, styles d’apprentissage, motivations et contextes socio-culturels propres, avec aussi pour chacun une expérience intime au savoir et à l’institution qui est dédiée à sa diffusion.
Les sciences cognitives ont permis de franchir un cap dans notre compréhension des mécanismes d’apprentissage et d’enseignement. En explorant des thématiques telles que la mémorisation, l’attention ou la perception, elles offrent des éclairages précieux et des outils pour penser autrement les pratiques pédagogiques. Issues de croisements disciplinaires – psychologie, anthropologie, sociologie cognitive – elles enrichissent la réflexion des enseignant·e·s en leur donnant des clés pour mieux comprendre celui ou celle qui apprend.
Cependant, comme toute approche scientifique, elles ont leurs limites et laissent dans l’ombre certains aspects fondamentaux du métier d’enseignant·e. Lorsqu’on parle de pédagogie, il est question de faciliter des apprentissages, de créer des situations propices pour des groupes souvent qualifiés de “classes” ou d’”apprenant·e·s”. Mais derrière ces termes pluriels se cachent des individualités uniques, avec leurs rythmes, styles d’apprentissage, motivations et contextes socio-culturels propres, avec aussi pour chacun une expérience intime au savoir et à l’institution qui est dédiée à sa diffusion. Pour le dire autrement, l’expérimentation en sciences cognitives et les résultats obtenus se font dans des conditions bien particulières, plus ou moins standardisées tandis que les pratiques pédagogiques s’exercent avec des variables difficilement contrôlables. C’est encore une fois aux enseignant.e.s de réfléchir et de trouver comment articuler les savoirs issus de la recherche fondamentale, si la recherche appliquée ne donne pas de solutions. Qui plus est en pédagogie, pour qu’il y ait appropriation, il faut à minima interaction renvoyant par là même à une certaine forme de lien social basé sur un rapport de confiance. Là aussi, les sciences cognitives ont moins à dire sur la complexité des interactions pédagogiques. Comment savoir, en effet, par quelles activités, par quels mots, par quelles émotions les enseignant.e.s arrivent à susciter la curiosité et le désir d’apprendre chez leurs élèves ?
Les enseignant.e.s le savent, préparer un cours, le “ficeler” au détail près n’est pas gage que “l’alchimie” opère avec les élèves. Une part d’imprévu, d’improvisation, participe à façonner la séance d’enseignement. L’apprentissage ne repose pas uniquement sur des mécanismes cognitifs ; il s’inscrit dans une dynamique relationnelle. Les sciences cognitives, focalisées sur les processus individuels, en disent peu sur le rôle crucial de l’interaction dans l’acte d’apprendre.
Parce que l’humain est profondément un être social, il est risqué de concevoir l’apprentissage uniquement à travers le prisme des sciences cognitives. Pour Piaget par exemple, l’apprentissage résulte d’une maturation des processus de la pensée afin d’interagir le plus en adéquation avec l’environnement. Pour Rogers, l’apprentissage est la manifestation d’un besoin de se développer. Pour Vygotski, il sera difficile d’aborder l’apprentissage sans mentionner la zone proximale de développement : où placer le curseur ? Même en sortant des sciences cognitives, le débat s’impose toujours et multiplie les pistes de réponse. Ces approches, combinées aux sciences cognitives, nous rappellent que l’apprentissage est une construction multidimensionnelle, influencée par des contextes, des relations et des besoins qui dépassent les cadres expérimentaux standardisés. Ainsi, il appert que si les sciences cognitives apportent des informations précieuses pour réfléchir aux mécanismes d’apprentissage, elles ne fournissent pas de prescriptions pédagogiques clés en main. Leur rôle est d’éclairer, non de dicter.
Toutefois, reconnaître les limites des sciences cognitives n’enlève rien à leur utilité. Elles alimentent des réflexions, proposent des cadres et nous outillent pour mieux comprendre. Mais leur intégration dans les pratiques pédagogiques nécessite une vigilance : enseigner, c’est faire face à l’imprévisible, à la richesse des interactions humaines et aux multiples défis du quotidien éducatif.
Les sciences cognitives, bien qu’essentielles, ne remplacent pas le travail des enseignant·e·s. Elles ne font que nourrir leur capacité à s’adapter, à innover et à répondre aux besoins uniques de chaque élève. Elles alimentent le besoin et la nécessité de rester créatif et attentif à nos élèves et à développer notre “hospitalité pédagogique”.
Et vous, quelle place accordez-vous aux sciences cognitives dans vos pratiques pédagogiques ? Pensez-vous qu’elles suffisent à relever les défis de l’éducation ?