En cette Semaine de la Laïcité, célébrons un principe fondateur de notre République et explorons une partie de son rôle déterminant dans l’éducation… et rêvons un peu… Et si la pensée critique devenait un moteur d’égalité?
La laïcité, pilier de l’école républicaine, garantit un espace neutre et égalitaire où chaque élève peut expérimenter les conditions d’un « vivre ensemble ». Elle crée un cadre où les différences ne divisent pas, mais dialoguent, permettant à chacun de s’affirmer comme individu tout en s’intégrant dans un collectif. Ce principe offre, parce qu’il l’autorise, la liberté de penser en dehors des mécanismes d’assignation. Chaque élève, quel que soit son système de croyances ou ses appartenances, accède donc à un espace inédit, libéré des catégorisations qui peuvent enfermer. Dans cet espace d’apprentissage, il devient possible de prendre de la distance vis-à-vis de ses propres représentations pour les interroger, les confronter à d’autres et d’imaginer ce qui était jusqu’alors de l’ordre de l’impensable. En même temps, cet espace permet de rencontrer l’autre dans sa singularité, au-delà des stéréotypes ou des projections que l’on peut faire sur lui.
La mise en œuvre pratique de la laïcité est exigeante, car elle poursuit une double finalité. D’une part, elle vise à l’émancipation individuelle en plaçant la liberté de penser et l’acquisition d’une autonomie intellectuelle au cœur de la mission éducative. Cette autonomie, n’est atteinte que lorsque l’élève apprend à penser par lui-même, sans être guidé par des dogmes ou des autorités extérieures. D’autre part, la laïcité travaille à construire un cadre collectif de dialogue et de respect mutuel, où les élèves apprennent les règles et les exigences d’une éthique– démocratique– respectueuse des autres et de l’environnement. Les élèves forgeant leur conscience dans une longue expérience de pensée.
Mais comment concrétiser cet idéal face aux défis sociaux, territoriaux et technologiques actuels ? Les inégalités sociales et les fractures numériques accentuent parfois le poids des assignations, limitant les horizons des élèves. Certains algorithmes cultivent l’esprit de cloisonnement, la culture du « clash » favorise le « finger pointing », et les échanges raccourcis à coup de « like » et « micro-capsules » sonores ou vidéos empêchent le déroulement d’une pensée- qui pour être qualitative a besoin de temps, de nuance et de digressions. La laïcité, lorsqu’elle s’articule avec des initiatives éducatives comme le développement de la pensée critique, devient alors un levier puissant pour surmonter ces obstacles.
C’est par l’éducation à la pensée critique que la laïcité révèle pleinement son potentiel. En encourageant les élèves à questionner leurs propres certitudes et à discerner les biais cognitifs dans leur raisonnement, à cultiver un doute qui ouvre aux explorations, elle leur donne les outils pour naviguer dans un monde complexe. En intégrant ces compétences dans les pratiques pédagogiques, l’école républicaine peut non seulement offrir à chaque élève une chance équitable de réussir, mais aussi former des citoyens capables de dialoguer dans le respect des différences et de s’engager activement dans la vie démocratique. C’est sans doute une condition sine qua none du contrat social qui nous lie les uns aux autres.
La laïcité, parce qu’elle est d’abord un principe juridique, ouvre la voie sécurisée et salvatrice à une praxis éducative exigeante et émancipatrice.
C’est dans ce cadre que nous contribuons à l’ambition de formation des citoyens en développant les ateliers de pensée critique.
Enseigner la pensée critique : un autre pan de la lutte contre les inégalités
Le programme Paideia, conçu pour réduire les inégalités scolaires, place la pensée critique au cœur de son action éducative. En développant des compétences transversales telles que l’analyse, la capacité de débat et l’identification des biais cognitifs, il offre aux élèves les moyens pour interroger le monde et naviguer dans une société complexe. À l’ère des fake news et des rabougrissements identitaires, cet apprentissage est, selon nous, essentiel pour former des citoyens autonomes et éclairés.
Grâce à des initiatives comme les ateliers Penser par soi-même, les élèves apprennent à identifier les différentes formes de raisonnement (y compris les raisonnements fallacieux), à questionner leurs représentations initiales et certitudes et à explorer des perspectives nouvelles. Ce travail intellectuel libère des multiples assignations qui nous concernent toutes et tous. Au-delà de permettre l’exercice d’un jugement raisonné, ce travail participe au renforcement de leur confiance en eux et de leur capacité à dialoguer avec les autres.
Une pédagogie au service de tous
En s’appuyant sur une approche collaborative entre enseignants, élèves et institutions, Paideia contribue à ce que l’éducation devienne un levier puissant de justice sociale. Les résultats sont là : des élèves plus confiants, mieux préparés à leur orientation, et plus enclins à poursuivre des études supérieures. Et surtout des élèves qui se sentent plus à l’aise à l’idée de changer d’avis, plus attentifs aux points sensibles des autres.
Renforcer ensemble l’école républicaine
La laïcité et la pensée critique ne sont pas de simples slogans, mais des outils concrets pour construire une société solidaire et éclairée. Ensemble, acteurs éducatifs, parents et citoyens, continuons à œuvrer pour une école fidèle à l’idéal républicain : celle où chaque élève, où qu’il soit, peut penser librement et grandir sereinement, où chaque individu peut s’autoriser à devenir l’auteur libre de son existence.