L’égalité des chances

Qu’est-ce que l’égalité des chances ? Comment se caractérise-t-elle ? À travers une déclaration, le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse donne une première piste de réponse : « L’égalité des chances est un axe fort de la politique éducative interministérielle. Les transformations engagées depuis 2017 ont pour objectif de donner à chaque élève les mêmes chances, quelles que soient ses origines sociales ou territoriales, notamment en matière d’orientation »1. L’égalité des chances traduirait donc la volonté des acteurs politiques à mener des actions afin de rendre les individus capables de s’émanciper de leurs conditions sociales, de leurs caractéristiques ethniques ou religieuses. Pourtant, si l’on en croit les résultats d’un sondage IFOP qui traite du sujet, les français ne sont que 37% à croire que chaque enfant bénéficie des mêmes chances à l’école. À l’opposé, ils sont 58% à estimer que ce n’est pas le cas et 56% à penser que l’Etat peut favoriser l’égalité des chances en prenant en charge tous les frais de scolarité et en supprimant la carte scolaire pour permettre aux plus défavorisés d’accéder à l’école publique ou privée qu’ils auraient choisie2. En somme, la majorité des français ne croient pas en l’égalité effective des chances.

Mais de quelle égalité des chances s’agit-il ? Celle de partir d’un point de départ identique ? Celle d’être suffisamment renseigné pour faire des choix libres et éclairés pour s’orienter ? Celles d’accéder aux filières et aux écoles que les élèves appellent de leurs vœux ? Ou encore, celle de réussir dans leur projet scolaire ? 

Là encore, le Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse formule des intentions plutôt claires en amenant les élèves à la réussite quant à leur projet d’orientation. À titre d’exemple, le dispositif « Cordées de la réussite » en place depuis 2020 vise à lutter contre l’autocensure et à nourrir l’ambition scolaire des élèves volontaires scolarisés en éducation prioritaire, en zone rurale isolée ou en lycée professionnel pour 180 000 d’entre eux : « Le suivi progressif en amont des choix d’orientation et dans la durée permettra d’ouvrir les possibles, de donner à chacun les moyens de sa réussite dans l’élaboration de son projet personnel d’orientation quel que soit le parcours envisagé, poursuite d’études dans l’enseignement supérieur ou insertion professionnelle »3.

Si l’objectif est bien défini, une autre perplexité vient tout de même s’ajouter : celle de voir la chance côtoyer ainsi l’égalité. Dans sa définition, la chance est un « tour favorable ou défavorable, mais de soi imprévisible et livré au hasard, que peut prendre ou que prend effectivement une situation ou un événement; issue heureuse ou malheureuse d’une situation donnée »4. Bien qu’il soit fortement probable d’être en présence d’un abus de langage, celui-ci fait particulièrement contresens. Difficile de mentionner l’égalité à propos de la chance puisque sa principale composante est d’être intrinsèquement lié à l’aléa. 

Dans une optique d’apporter un soutien aux politiques gouvernementales, le Conseil National des politiques de Lutte contre la pauvreté et l’Exclusion sociale (CNLE) présente un document qui répertorie des recommandations pour agir en faveur de l’égalité des chances. Les conseils se basent sur des travaux associatifs, universitaires et institutionnels et se concentrent sur 24 points bien précis5 et se décomposent en 4 axes : 

  • améliorer les conditions de vie des familles pour la réussite de leurs enfants 
  • assurer les conditions de la réussite scolaire pour tous dès le plus jeune âge
  • garantir la continuité éducative et la construction d’un avenir pour chaque jeune 
  • assurer une égalité éducative sur tout le territoire 

Dans notre réalité sociale, l’égalité des chances représente un objectif, un idéal à atteindre, sorte de représentante d’un principe important : la justice sociale. Il est, dans nos sociétés démocratiques, primordial de permettre à tous les élèves d’accéder aux études et aux positions sociales auxquelles ils prétendent. Seulement, l’égalité des chances seule ne saurait être une solution sans s’attaquer également aux inégalités sociales. Puisqu’elle ne remet pas en cause le solide lien entre la réussite scolaire et la réussite socioprofessionnelle de celles et ceux qui réussissent, elle souffre d’un angle mort pour celles et ceux qui éprouvent  l’échec et qui se verront occuper plus majoritairement des emplois précaires, aux revenus faibles ou des conditions de travail difficiles, au point pour certains de ne plus pouvoir vivre décemment de leur travail. 

Pour l’égalité des chances il y aurait donc des inégalités illégitimes, celles qui seraient liées aux circonstances, tandis que d’autres paraîtraient tout à fait légitimes, celles qui découleraient des efforts des individus. N’est-ce pas par cette représentation que nous allons d’autant plus accepter et faire accepter les écarts entre les élèves ? Car c’est bien sur ce point que le travail de catégorisation mène à des complexités inextricables : qu’est-ce qui relève, dans le parcours scolaire d’un élève, de ses circonstances (milieu social et géographique par exemple) ou de ses efforts (persévérance en classe ou travail à la maison) ? Comment évaluer, voire juger les efforts d’un élève qui a accès à la culture scolaire dans son environnement social, vis-à-vis de celui qui ne l’a pas ? Le rapport à une culture et donc au travail permettant sa bonne acquisition, n’est-il pas socialement situé ? C’est pour cette raison, entre autres, que la CNLE recommande d’améliorer les conditions de vie des familles par les conditions de logement, les revenus suffisants pour vivre décemment de son travail, les accès à la culture et aux soins. Pour que leurs enfants n’aient pas à subir les inégalités inhérentes à leurs milieux sociaux, et souffrent moins des écarts de circonstances pour une égalité des chances plus juste. 

 

 


 

 1 Cordées de la réussite | Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse

2 L’école : creuset de l’égalité ? – IFOP

3 Cordées de la réussite | Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse 

4 Définition de CHANCE

5 Égalité des chances  

 

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